Mardi 15 novembre, les élèves de terminales ES1, ES2 et L ont assisté à la projection du film de Ken Loach « Moi, Daniel Blake », film ayant reçu la Palme d’or à Cannes cette année.
Ken Loach, originaire de la petite ville de Nuneaton, dans les Midlands, a décidé de s’y rendre pour monter son projet. Il a rencontré des gens n’arrivant pas à trouver de travail (pour de multiples raisons) et a pris leur témoignage afin que la situation de son film soit ancrée dans la réalité. Ayant déjà beaucoup mis en scène les jeunes, il a décidé pour ce film de se tourner vers les quinquagénaires qui, ayant beau être qualifiés et expérimentés, ne trouvaient pas de travail pour cause de santé. Paul Laverty, le scénariste, imagine alors le personnage de Daniel Blake.
« Moi, Daniel Blake » est un film mettant en scène un menuisier anglais de 59 ans contraint de faire appel à l’aide sociale à la suite d’une grave crise cardiaque. Tandis que son médecin et son kiné lui interdisent formellement de reprendre le travail, un professionnel de la santé employé par l’État le juge, à la suite d’un questionnaire, apte au travail, lui refusant ainsi les indemnités qu’il aurait dû toucher. Daniel se trouve dans l’obligation de chercher du travail s’il veut toucher le chômage, dernière source de revenu qu’il peut espérer en attendant une révision de son dossier pour recevoir les indemnités qui lui sont dues. Non seulement sa demande d’appel s’éternise mais en plus, pour toucher le chômage il doit remplir plusieurs conditions comme celle d’assister à un cours pour faire son Curriculum Vitae ou encore celle de passer au moins 35 heures par semaine à chercher du travail. Si ces conditions ne sont pas remplies, il est sanctionné et c’est ce qui lui arrive lorsqu’on juge qu’il n’y a pas de preuves qu’il a activement cherché du travail. Dan a pourtant parcouru la ville entière pour trouver du travail, donnant son CV à de nombreux patrons ; l’un d’entre eux le rappelle même pour lui offrir un poste, mais Daniel se voit dans l’obligation de refuser puisque son médecin lui a bien signifié qu’il ne peut pas se remettre à travailler dans son état.
Tout dans le système d’aide est fait pour compliquer les démarches. En effet, plusieurs dossiers sont à remplir sur ordinateur et comme le dit le personnage lui-même, il est capable de réparer n’importe quoi mais il est dyslexique avec les ordinateurs. Il doit se rendre dans une médiathèque pour espérer l’aide de quelqu’un mais son temps s’écoule avant qu’il ne puisse valider le dossier, ensuite une dame du « job center » accepte de l’aider mais elle est réprimandée par sa patronne et Daniel n’arrive finalement pas à valider son dossier. C’est son jeune voisin qui finira par l’aider et qui lui imprimera le dossier, lui montrant alors, que depuis le début, on lui compliquait la tâche. Daniel se retrouve de toute manière sanctionné. Ne ne recevant ni chômage, ni indemnisations, il est contraint de vendre ses meubles pour gagner la modeste somme de 200 livres et survivre le temps que sa demande d’appel soit enfin entendue.
Malgré tous ses problèmes, Daniel Blake apporte son aide à une jeune femme du nom de Katie, mère célibataire de deux enfants qui vient tout juste d’arriver de Londres. Il lui vient en aide assez instinctivement et prend presque le rôle du grand-père dans cette famille, leur offrant son aide pour réparer le logement dans lequel ils sont et en faisant cadeau de quelques objets de décoration aux enfants. Il accompagne Katie à la soupe populaire, garde ses enfants lors de ses entretiens pour devenir femme de ménage et lui crée même une bibliothèque pour qu’elle puisse y ranger ses livres de cours. Katie, de son côté, fait son possible pour élever ses enfants après avoir été éjectée de son appartement à Londres car elle s’était plaint d’une fuite au propriétaire. Elle cherche du travail et veut en même temps reprendre ses études mais elle manque cruellement d’argent et certaines choses ne se trouvent pas à la soupe populaire, telles que des serviettes hygiéniques ou du déodorant par exemple. Elle se retrouve à voler dans un magasin et trouve même comme ultime solution, la prostitution, pour pouvoir offrir un meilleur niveau de vie à ses enfants.
Les situations de Daniel et Katie sont émouvantes car le système se joue complètement d’eux et personne ne semble vouloir les aider. Katie explique à un moment que l’État veut éjecter les gens comme eux de Londres et en effet l’État ne semble pas être de leur côté quand on voit à quelle point les procédures sont compliquées. Tout a l’air d’être fait pour les mettre encore plus en difficultés et c’est triste. La situation de Katie est assez touchante parce qu’on voit que c’est une femme démunie mais c’est avant tout une maman qui fait du mieux qu’elle peut pour ses enfants : elle se prive de manger pour qu’ils aient plus à manger ; elle passe des heures à nettoyer leur maison pour qu’ils s’y sentent bien et elle va jusqu’à se prostituer pour pouvoir acheter une nouvelle paire de chaussures à sa fille parce que les autres enfants se moquent d’elle et de ses chaussures déchirées. Dan, de son côté, essaie absolument tout pour avoir ses indemnisations et fait des efforts qu’il ne devrait pas faire pour sa santé. On voit qu’il y met de la volonté et qu’il ne lâche pas l’affaire. Et en parallèle de ses soucis, il aide Katie du mieux qu’il le peut parce que finalement il n’y a que lui qui peut l’aider dans sa situation. Et lorsque sa demande d’appel est enfin entendue, lorsqu’il est sur le point d’obtenir ses indemnisations, tous les efforts qu’il a faits des mois durant ont raison de lui : il a une deuxième crise cardiaque qui lui est fatale. Et alors, même son enterrement est misérable, comme si l’État se moquait de lui jusqu’au bout, jusque dans sa tombe. Il est enterré à 9 heures du matin, le créneau le moins cher pour les enterrements, entouré de seulement quelques personnes telles que son voisin, une dame du nom d’Ann qui l’aidait au « job center », ainsi que Katie et ses enfants. Daniel a été une victime de l’État qui cherche juste à faire sortir les citoyens les moins rentables du système ; Daniel a été sorti des chiffres des travailleurs, et des chômeurs ; il est simplement devenu rien…
Ce film est à la fois touchant et gênant parce que en le regardant on se rend compte à quel point l’État est mauvais envers ses gens et que sa seule préoccupation est de les faire sortir du chiffre du chômage qui sera affiché dans les médias ! On ne s’imagine pas une vie aussi misérable pour des personnes qui ont une volonté de travailler aussi grande. Ce film nous met un peu face à nos responsabilités et montre sans détours la violente réalité de milliers de personnes. Voir le personnage de Daniel, qui au début du film est si enjoué et si plein de bonne volonté, décrépir comme ça, se laisser mourir dans un appartement vide et froid, cela brise le cœur. C’est aussi gênant pour la simple et bonne raison que les soucis du quotidien paraissent absurdes à côté de ce que vivent ces gens ! Alors, même si la prostitution de Katie et la mort de Daniel peuvent paraître clichés, il faut se dire que Ken Loach nous montre là le sommet de l’iceberg et que ces histoires sont réelles ! Il existe bien pire, des situations tellement incompréhensible que, certainement, le réalisateur ne nous a pas cru capables d’y croire, s’il nous les racontait…
« Moi, Daniel Blake, je suis un homme, pas un chien. Je suis un citoyen. Rien de plus mais rien de moins non plus. »
Dévi Delpech (T ES)